Lui ou moi

Je cherchais depuis le matin même
Un pont pour passer la Loire,
Quand à la sortie d’un hameau blême
S’arrête une camionnette noire.
Une fille en sort en larmes et se met
A courir de mon côté,
Le type la rattrape par les cheveux mais
Comment rester les bras croisés ?
Le temps de voir l’éclair de la lame
On roulait dans le fossé.
J’ai vu dans ses yeux mourir la flamme,
Couché sur lui pétrifié,
Que dieu ait pitié de son âme.

On s’est enfui jusqu’aux mûrs de Poitiers
Sans dire un mot sans voir un flic.
J’ai continué encore, vide, obsédé
Par l’idée de voir l’Atlantique.
Je voulais me rendre après je le jure
Elle s’est mise alors à parler,
Le ton, les mots, la voix étaient si purs
C’est là que tout a basculé.
Le temps de voir dans ses yeux de femme
Passer l’éclair que j’espérais,
On a mit sept heures pour gagner l’Espagne
Franchi la frontière sans regret,
Que dieu ait pitié de mon âme.

Quand je repense à tout ça
Et qu’elle est dans mes bras
Qu’il ait pitié ou non je m’en fous,
C’était lui ou moi ce matin là alors après tout…
Si tout se paye un beau jour,
Ces quelques nuits d’amour
Nul ne pourra jamais me les prendre,
Et je suis prêt à tuer encore s’il fallait les défendre.

Ici tout brûle Ô Andalousie
Tes routes vibrent à l’unisson.
Elles me ramènent toutes vers mon pays
Comme autant de vieilles chansons.
Plus un euro et Interpole aux trousses,
Il nous faudrait de faux papiers.
J’évite les coups de freins et les secousses
Elle dort là juste à mes côtés.
Le temps que l’horizon bleu s’enflamme
De voir la Méditerranée,
J’ai échafaudé comme un programme
Et si je devais y rester,
Que dieu ait pitié de son âme.

Fabrice Beauvoir