Poids mort
Tu sors du ciné encore plus hallucinée,
Tu fais des détours entre les tours du quartier,
La ville est vilaine et sale mais pourquoi rentrer ?
Si seulement l’orage enfin pouvait éclater…
Et tu tournes en rond entre les putes et les bars,
Nul ne pourra même accrocher ton regard,
Tu finiras par t’assommer comme tous les soirs
Devant ta télé
Car pour toi tu n’es
Plus qu’un poids mort.
Juste un poids mort,
Un bateau ivre échoué au port,
Immobile sur sa chaine…
Un poids mort,
Juste un poids mort,
Un cœur de belle au bois qui dort,
Une ennemie pour toi-même.
J’aurais pu c’est vrai j’aurais peut-être dû mais,
Et si j’avais su et d’ailleurs sait-on jamais ?…
Les prisons se ferment et s’ouvrent en nous secret,
Ne laissant que quelques clés pour les suivants mais
Quand on s’est croisé sur le parking l’autre soir,
J’ai vu dans tes yeux flotter tant de drapeaux noirs,
Dieu fasse que tu puisses comprendre enfin tôt ou tard
Qu’à la vérité
Pour toi je n’étais
Plus qu’un poids mort.
Juste un poids mort,
Un confident ivre et qui dort,
Un compadre qui saigne.
Un poids mort,
Juste un poids mort,
Un homme juste rentré qui sort
Une source à problème.
Je revois toujours notre histoire en noir et blanc,
Comme un vieux chef-d’œuvre exhumé d’un autre temps,
Les cheveux que tu dénouais le soir dans le vent
Et dont tu glissais l’épingle or entre tes dents.
Quand la dernière bobine est vide et l’écran blanc,
Que j’entends battre là dans mon dos son ruban,
Le projectionniste éteint puis sort en baillant,
C’était la dernière séance du monde et pourtant…
Je reste dans la salle incapable de rien,
Tu te lèves alors du siège à côté du mien,
Je me réveille au moment où tu prends ma main,
Tu tires et tu cries
Me laissant au lit
Comme un poids mort.
Juste un poids mort,
Un bateau ivre échoué au port,
Attaché à ta chaine.
Un poids mort,
Juste un poids mort,
Au cœur de la ville où tu dors,
Ennemi à moi-même…
Fabrice Beauvoir